Verena Gotthardt
Catégorie(s) : Ils ont séjourné ici
Autriche
Du 13 octobre au 9 novembre
Verena Gotthardt, née en 1996 à Klagenfurt am Wörthersee, est une écrivaine et photographe autrichienne.
Discipline
Littérature | Poésie | Photographie
Notre rencontre avec Verena
Entre le début et la fin de notre rencontre, avec Verena, la lumière, dans le bureau de la Villa Fort-Louis où nous nous étions installés, a imperceptiblement changé. Nous avions entamé nos échanges en milieu d’après-midi, et au fil de la discussion, l’heure d’hiver s’est lentement invitée, il a fait plus sombre. Je ne sais pas si Verena a noté, dans son petit carnet-journal, cette arrivée précoce du soir, un de ces « petits changements » banals, familiers, qu’elle se plaît à observer et qui constituent la matière sensible de son travail artistique.
Verena est une jeune poétesse et photographe. Elle profite de sa première « vraie » résidence d’écriture pour consigner ces minuscules variations d’un jour à l’autre. Chaque matin, comme une vigie, elle note depuis la petite terrasse de la Villa, « les jours où il a plu » (et ils ont été nombreux sur la durée de son séjour), « les jours où il n’a pas plu » (sensiblement moins nombreux), et consigne également ses repas du jour, et d’autres annotations diverses sur l’état de la mer, la hauteur des marées, la force et la direction du vent. D’ailleurs, pour mieux éprouver, ressentir, comprendre les états changeants de la météo locale, Verena s’est acheté un cerf-volant. « Pour mes recherches » plaisante-t-elle.
Verena Gotthardt, arrivée de Vienne, en Autriche, cherchait précisément cette proximité avec l’Atlantique, rencontré une première fois il y a trois ans à l’occasion d’un séjour dans le pays basque. Elle ressentait depuis que ses projets d’écriture – littéraires et photographiques – avaient à se nourrir des sensations de l’océan : les promenades sur la plage, les ombres longues du crépuscule, la visite régulière des marées, le recouvrement du paysage, le bruit des arbres dans la tempête… « J’ai l’impression, ici, que la nature me dit des choses, et que mon travail est de chercher à l’entendre. Comment ? je ne veux pas vraiment savoir. J’observe beaucoup, je note des impressions et des scènes de rues, mais je laisse aussi mon esprit vagabonder. J’occupe mes mains en attendant que le temps agisse comme un révélateur, au sens photographique » dit-elle en montrant fièrement la superbe cagoule qu’elle a tricotée pendant ces temps de « révélation ».
Verena reconnaît que cette absence apparente de méthode est pour elle comme une façon d’apprendre à « résider », une manière de comprendre comment le regard et l’écriture agissent dès lors qu’ils sont, littéralement, « délocalisés », sortis de leur ordinaire et plongés dans un environnement autre. Loin de toute quête d’exotisme, la résidence, pour Verena, n’est pas tant une découverte des lieux qu’un approfondissement de l’expérience du banal et du familier. À l’heure où l’on parle de redevenir « touriste chez soi », retrouver cette poétique du quotidien est très certainement une gymnastique nécessaire. Les poètes sont pour cela les meilleurs coachs.
Comme pour assurer du sérieux de sa démarche, Verena montre les cartes postales qu’elle a créées ici, pendant sa résidence : « La carte postale m’importe beaucoup. C’est une forme graphique et littéraire qui permet de dire des choses à distance, de soi et des autres. En même temps, c’est une trace matérielle sensible du voyage, et c’est le lieu de son récit et de son souvenir. »
On feuillette ensemble les petits livrets auto-édités de Verena. Dehors, sur le temps de notre rencontre, la pluie est tombée, puis la pluie a cessé, et la lumière a changé. Un temps idéal pour la jeune poétesse. On se sourit, et on se salue sur des promesses d’écriture.
Texte : Philippe Guerry / Photo : © Julien Chauvet
Projet de résidence
À l’occasion de sa résidence, Verena travaillera sur un nouveau projet de recueil poétique Lass mir die Ah-nung von gestern (Laisse moi l’idée d’hier) qui évoque des images oubliées et des pensées autour de la mémoire. Les poèmes sont accompagnés par des photographies, qui fonctionnent comme un « feuilletoscope » : des images d’une matière, qui tombe et tombe et n’arrive jamais au sol.
Partenariats
Institut Français d'Autriche (programme Bourse Rohan)