Jérôme Nika

Catégorie(s) : Ils ont séjourné ici

France

Du 6 octobre au 7 novembre 2023

Chercheur en technologies génératives d’intelligence artificielle pour la création musicale et musicien électronique à l’IRCAM (Institut de Recherche et Coordination Acoustique/Musique), Jérôme Nika s’est spécialisé dans l’application de l’informatique et du traitement du signal à la création numérique et à la musique à travers son doctorat « Prix Jeune Chercheur Science/Musique 2015 », « Prix Jeune Chercheur 2016 ».

Discipline

Littérature | Musique

Notre rencontre avec Jérôme

Sur le bureau de Jérôme, il y avait les plans secrets de son roman. Nous sommes entrés dans la pièce, il s’est précipité pour débarrasser son plan de travail des grandes feuilles cryptiques qui y étaient étalées, et nous avons posé nos cafés sur l’espace libéré.

Jérôme Nika a parlé de sa première année de résidence de création « personnelle ». Des résidences, ce musicien électronique et chercheur en technologies musicales, spécialiste des structures cachées dans l’improvisation, en a déjà mené plus d’une, pour parachever des projets collectifs. Mais une résidence d’écriture pour un projet solo, non, ça c’était une première.

Le roman que Jérôme finit d’écrire à la Villa Fort-Louis parlera d’ibis, et de lézard, et d’autres protagonistes qui observeront les états respectifs – animal, humain – des autres protagonistes. Chacun s’interrogera sur son propre état, et sur l’opportunité d’en changer. Il y sera question des rapports entre l’individu et le collectif. L’ensemble tiendra de la fable, s’arrêtant toutefois sur le pas de la porte de la morale ou du message. Il s’agira surtout d’observer ce que les uns verront des autres, et vice-versa. Et le tout sera parsemé de comptines, qui permettront de glisser quelques clés au lecteur, sous cette forme enfantine, presque anodine. « J’aimerais écrire un récit baignant dans une normalité excessive, qui ne soit ni fantastique, ni métaphorique, mais qui n’en pense pas moins. »

Jérôme a réalisé durant sa résidence qu’il n’était sans doute pas là par hasard. Il y avait probablement une nécessité cachée dans ce séjour à proximité des grands marais littoraux. C’est ici qu’enfant, entre La Rochelle et l’île de Ré, il a observé son premier ibis. Il aura fallu qu’il arpente les réserves naturelles pour qu’il s’en souvienne, et prenne conscience que le récit à venir trouvait là, non pas sa source, mais la forme plus enfouie d’une résurgence.

De résurgence, de jaillissement même, il en a été aussi question quand on a demandé au chercheur s’il n’avait pas été un peu, quand même, un littéraire contrarié au cours de son cursus scientifique et musical. « À fond ! » a-t-il exulté. Et de citer le présent roman, en germe, sous une forme plus conventionnelle, dès ses dix-sept ans. Ou encore les cinq années d’écriture quotidienne de micro-fictions.

Pendant la discussion, les grandes feuilles cryptiques ont réapparu sur le bureau de travail de Jérôme. Des séries de lignes, de traits surlignés au marqueur rose, avec des ponts, des enjambements, des annotations au crayon, des coups de gomme. On lui fait remarquer que ça ressemble beaucoup à une partition musicale, ou à l’architecture d’un programme informatique. Mais Jérôme explique qu’il ne s’agit pas d’un plan à suivre, mais d’une cartographie du dernier état d’avancement de son travail : ce qu’il a écrit, ce qui reste à écrire, et où sont les déséquilibres.

On s’absorbe dans les plans secrets du roman. On n’y comprend pas grand-chose, on suit du doigt les passages, on cherche, nous aussi, les structures cachées dans la composition : là, le lézard se demande s’il veut devenir humain ; là, la comptine résonne avec le souvenir d’enfance ; là, les grandes feuilles se transforment en roman ; là, le chercheur musicien observe sa mue en écrivain.

Texte : Philippe Guerry / Photo : © Julien Chauvet

Projet de résidence

« L’Ibis Sacré et les polémiques et débats au sujet de la nocivité de cette espèce domestique retournée à l’état sauvage depuis 2004 est au cœur de mon projet de roman, utilisant ce point de départ pour construire une intrigue naturaliste et fantastique. Dans ce contexte, la région de La Rochelle est centrale puisqu’elle fait partie de celles ayant connu les premiers individus échappés de zoos avant que l’espèce ne se déploie. De plus, une partie de l’intrigue sera inspirée par la renaturation du marais de Tasdon ».

Partenariats

Museum d'Histoire naturelle de La Rochelle et Conservatoire de musique et de danse de La Rochelle Agglo.

© Julien Chauvet - ville de La Rochelle