Patrick Bruel
Son histoire a commencé à s’écrire avec les Francofolies et La Rochelle. Populaire, généreux et engagé, il sera le 14 juillet sur la Grande Scène Jean-Louis Foulquier, pour un concert qui s’annonce fort en émotions, autour de son dernier album "Ce soir on sort".
Publication : mai 2019 / Texte : Philippe Guerry / Photo : © Julien Chauvet
« Avec Héros et Ce soir on sort, je ressens, en concert, un besoin de réconciliation et un besoin de réaffirmer ensemble nos valeurs républicaines. Ça donne du sens au moment que l’on traverse, ça a une résonance. »
Est-ce que vous vous souvenez de votre premier passage aux Francofolies ?
- Ah oui, bien sûr : 1987, parking du Gabut, 16 heures, 40 degrés, 400 personnes, concert de ouf. Et surtout, le soir, j’assiste depuis les cintres au concert d’Higelin. Là, je vois un artiste libre et je me dis « voilà ce qu’il faut être ». Ce moment-là, c’est un vrai déclencheur pour moi. Et puis, cette nuit-là, il y a bien sûr l’histoire connue de Casser la voix…
Elle n’est peut-être pas connue de tout le monde. Vous pouvez nous la rappeler ?
- Avant le concert d’Higelin, mes musiciens étaient partis, donc j’ai passé la nuit, un peu seul, à tourner dans la ville, dans les bars, les places, à rencontrer des gens, à déconner, à réfléchir, et au petit matin, en rentrant à l’hôtel, j’écris sans vraiment y penser les premières phrases de Casser la voix. Deux ans plus tard, on choisit des chansons pour mon nouvel album, je ressors Casser la voix… et elle connaît le destin que l’on sait. Donc voilà, la chanson est née là, chez vous, à l’issue de cette nuit blanche, dans un hôtel du port.
Vous êtes venu à de nombreuses reprises aux Francos. C’est un festival qui a une place particulière pour vous ?
- Au-delà du rapport affectif que j’ai avec le festival, il a, lui, une place essentielle dans le parcours d’un artiste. Il compte parmi ces festivals d’été où tous les artistes aiment à se retrouver. Artistiquement, c’est toujours très bien fait, on n’est pas tout seul sur la scène, on est souvent en très belle compagnie, c’est important. Ce sera encore le cas le 14 juillet, pour mon concert.
Justement, ce 14 juillet va donner une tonalité particulière à l’un de vos titres, Ce soir on sort, qui parle des attentats de 2015, et qui se conclue par La Marseillaise. Ce sera un moment particulier ?
- Ça ponctue un moment fort du concert, oui. Avec une autre chanson, Héros, qui rend hommage aux héros anonymes et dont la réception par le public est incroyable, Ce soir on sort montre un vrai besoin de réconciliation et un besoin d’affirmer ensemble des valeurs républicaines. Ça a du sens dans le moment que l’on traverse, ça a une résonance.
On sent une certaine gravité dans votre dernier album. La période que l’on traverse vous inquiète ?
- Elle ne vous inquiète pas, vous ? Moi, j’étais inquiet en 1995, j’étais inquiet en 2001… On traverse depuis la fin des Trente Glorieuses une époque de désenchantement, avec une montée des populismes un peu partout en Europe, et on n’est pas épargné. Mais mon album a aussi des moments plus légers !
Vous êtes joueur sur scène comme dans la vie ?
- Je joue beaucoup moins qu’à l’époque où j’étais sur les tournois internationaux de poker, ça demande trop de disponibilité. Dans les deux activités, le poker et la scène, je dirais que le point commun est le jeu, au sens ludique, enfantin du terme : on joue la comédie, on joue avec le public, avec soi, son histoire, ses sentiments… La différence, sur scène, c’est qu’il n’y a pas cette part de dissimulation que l’on trouve au poker. Sur scène, on se met à nu, mais on sait où on veut amener le public, on garde les rennes. Tout particulièrement sur cette tournée, où le show est incroyable.
Dans la chanson Louise, vous mettez en garde une jeune fille contre les dangers des réseaux sociaux. Actuellement, sur ces même réseaux, une jeune Suédoise de l’âge de vos fils mobilise la jeunesse du monde entier pour la défense de la planète. Vous la voyez comment cette jeunesse : en danger ou engagée ?
- Je la vois très engagée et pleinement consciente des dangers. Je trouve les jeunes extrêmement responsables. Je trouve ça assez fort la façon dont ils se prennent en main, prennent en main leur avenir et l’avenir de cette planète. C’est bien que l’énergie de cette jeunesse soit mise à ce service-là. J’ai l’impression que l’on a tous essayé de faire quelque chose à un moment mais que l’on n’a pas vraiment réussi. Je le vois avec mes enfants : non seulement eux agissent mais en plus, ils me corrigent, moi, quand je ne fais pas bien ! C’est un domaine, l’environnement, dans lequel nos enfants nous éduquent.
On entend une certaine mélancolie dans votre chanson Pas eu le temps. Il y a des choses que vous referiez différemment ?
- Il s’agit quand même d’une mélancolie heureuse, ça se termine bien. Je pense qu’on ne peut pas tout avoir dans la vie : avoir une vie trépidante et vouloir que le temps passe lentement. Il n’y a que les gens qui s’emmerdent qui trouvent le temps long ! J’ai le sentiment de ne m’être jamais ennuyé, à aucun moment, je ne sais pas ce que c’est. Je ne regrette rien, certaines erreurs m’ont même construit, donc si je devais refaire des choses différemment, ce serait juste pour ne pas revivre deux fois la même chose, c’est uniquement dans ce sens là.
Il y a plusieurs collaborations sur l’album, Vianney, Pierre Lapointe, Skalpovitch. Comment abordez-vous ces collaborations ?
- Vianney, on a fait un beau travail ensemble. Il a une touche, une disponibilité, il est adorable, il a une maturité inouïe pour son âge, un très beau sens de l’écriture, et il a vraiment apporté quelque chose par sa présence. Pierre Lapointe, c’est autre chose, nous nous sommes rencontrés et je lui ai dit que j’aimerais bien chanter ses mots. Trois semaines après, il m’avait écrit une chanson magnifique. Je lui ai demandé pourquoi il ne la chantait pas, lui, et il m’a dit que non, il l’avait écrite spécialement pour moi. Je suis allé chercher Skalpovitch pour donner un son résolument moderne à cet album, pour qu’il y ait un son urbain, sur Louise, sur Pas eu le temps, sur Stand up, ce son à la fois pop-rock et électro, c’est la collaboration avec Skalpovitch.
REPERES
- 1959 – Naissance à Tlemcen en Algérie
- 1987 – Premier concert aux Francofolies au Gabut
- 1989 – Album Alors regarde et début de la bruelmania
- 1991, 1995, 2013 – Concerts aux Francofolies
- 2019 – Sortie de "Ce soir on sort…" et tournée monstre de plus de 100 dates
Dernière mise à jour : 11 mars 2020