Charles Kloboukoff

Publication : septembre 2022 / Texte : Elian Da Silva Monteiro / Photo : © Julien Chauvet

Avec son épouse Catherine, ils cherchaient une ville accessible de Paris pour les affaires, qui le soient aussi pour leurs deux familles. Ils furent séduits par La Rochelle, sa beauté, sa lumière, la qualité de l’air, ses espaces verts, l’écologie urbaine et de transports. Léa a grandi là !

Vous avez installé ici votre société, vous avez aussi pris part à la vie de la cité ?... 

Étant pacifiste et ayant réussi à échapper au service militaire, j’ai tenu plus tard à remplir mon devoir civique à travers mon rôle de conseiller municipal sous le premier mandat complet de Maxime Bono, et de Président de la Régie des Transports Rochelais (RTCR) où j’ai découvert et appris beaucoup.

Le succès de Léa Nature a été fulgurant, exemplaire. À quoi cela tient-il ? 

Nous avions la conviction qu’il était nécessaire de proposer des alternatives naturelles dans le domaine de la santé, l’alimentation, l’hygiène beauté, la maison. C’est une démarche holistique qui vise plus d’harmonie avec la nature et à nous protéger des produits chimiques non anodins pour la santé humaine. Les cahiers des charges des produits bio nous ont paru parfaitement adaptés à nos engagements.

Les préoccupations autour des pesticides, des OGM, de beaucoup d’additifs, ont poussé la bio sur le devant de la scène… Nous avons donc eu le vent dans le dos !

Ensuite, Léa Nature a su être économe. On a réinvesti la grande majorité des bénéfices dans l’entreprise, ce qui a permis de construire des sites de production et de racheter des entreprises familiales du secteur qui étaient en phase de transmission et qui correspondaient à nos valeurs pour pousser le développement d’une agriculture bio locale notamment et une politique sociale engagée.

C’est ainsi que notre village de PME s’est construit. Nous avons décidé collégialement de devenir une entreprise à mission et de lui donner plus de responsabilités : fondation, mécénat environnemental avec notre adhésion au mouvement 1% for the Planet, soutien aux associations locales, à l’éco festival Notes en Vert, sponsoring sportif …

C’est devenu une passion de s’engager et ça fait plaisir de voir que notre démarche est appréciée. C’est une entreprise reconnue, aimée sur son territoire. Nous en sommes fiers.

On reproche à certains leur soudain « greenwashing ». Vous, vous êtes dans le vert depuis près de trente ans… 

J’ai grandi à Toulouse dans une famille d’origine russe du côté de mon grand-père et d’Ancenis du côté de ma mère, bercé par les médecines douces. Mon père répétait « moins tu prends de médicament, mieux tu te portes ». On consommait des produits naturels, des stimulants immunitaires, des produits de la ruche et on allait faire les courses au marché (il fallait se lever tôt le dimanche !). Un oncle cultivait un potager où poussaient des légumes aux formes biscornues, juste avec du fumier, et il y avait une ferme à 100 m de la maison où on allait chercher le lait, les œufs, la volaille. Mon père étant magnétiseur, je me suis passionné pour les énergies à l’adolescence, et vers 25 ans pour les vertus des plantes.

Je pense qu’en respectant la nature, en puisant dans ses ressources, on peut avoir des alternatives à l’agro-industrie qui a recyclé les outils et les substances chimiques utilisées pendant la deuxième guerre mondiale. J’ai rencontré des pionniers de l’agroécologie, Philippe Desbrosses, Pierre Rabhi, et tout ça était tellement évident qu’il y avait juste à populariser ces alternatives naturelles. Et j’ignore pourquoi mais, depuis toujours le vert est ma couleur fétiche, voiture et pantalons inclus !

En octobre 2021 vous avez voulu transmettre la majorité des actions de Compagnie Léa Nature à FICUS, Fonds de soutien aux initiatives citoyennes utopiques et solidaires. En quoi Léa est-elle citoyenne, utopiste, solidaire ? 

 C’est le fruit de huit ans de réflexion ! On s’est juste dit que tout cela devait être pérennisé et que si nos enfants voulaient y travailler, ils le pourraient, mais que ce serait chouette que l’entreprise devienne un bien commun qui reste en France plutôt que la propriété de nos enfants ou un jour d’une multinationale. On n’a pas besoin de tout l’argent que représente la vente de l’entreprise, alors autant mettre en place une nouvelle gouvernance qui concilie philanthropie, développement économique et écologique. Nos enfants ont bien compris le sens de la démarche. C’est d’ailleurs Emma, notre troisième, qui dirige FICUS.

Votre agenda est fort rempli. Mais le peu de temps libre qui vous reste, à quoi le destinez-vous ? Le port, la musique ?…

Nous aimons beaucoup la musique. On a soutenu la Sirène dès le début et co-créé avec l’association Mondomélodie l’éco-festival Notes en Vert avec son Village Nature à Périgny. Le festival est désormais co-dirigé par Catherine Kloboukoff et Yasmine Foucher. Il y a aussi le sport que j’adore. Mon refuge quand, à l’âge de 7 ans, j’ai perdu ma maman.

Depuis vingt ans nous soutenons le Stade Rochelais comme partenaires, actionnaires. Quel bonheur cette année de pouvoir toucher le trophée de la coupe d’Europe !

Et je préside désormais le basket : cette année on a tout vécu. Joueurs, staff et supporters ont mérité la montée en PRO B ! Il y a aussi le Bio’Pôle de Léa avec le complexe sportif du Five qui était mon rêve de jeune entrepreneur. Le sport plaisir et le sport passion, partagés en famille et entre amis, c’est génial ! J’ai touché à tous les sports et j’en découvre encore : depuis cinq ans, le padel tennis ! Côté lectures, j’aime la BD, les livres d’aventure, les biographies. Et pétanque et belote avec les copains. Les choses simples de la vie !

Qu’espérez-vous à présent, pour Léa, pour La Rochelle, pour cette drôle de planète sujette aux soubresauts du mauvais climat que lui fait l’humanité ?  

Que l’on sorte des crises sanitaires et de la guerre ! Avec l’inflation et les frustrations liées au Covid, les priorités ont évolué. Consommer sain est devenu secondaire pour beaucoup, les arbitrages budgétaires sont un peu irrationnels en ce moment et le marché de la bio dévisse depuis mai 2021 de plus de 10%, ce qui n’est jamais arrivé en trente ans.

Il ne faudrait plus occulter les vérités qui dérangent mais agir. J’espère que la conscience écologique grandissante va permettre une révolution dans les comportements et la manière de consommer et voyager.

Et j’aimerais que La Rochelle devienne une ville toujours plus verte ! Je trouve très chouette qu’ici le bitume disparaisse au profit des vieilles pierres et des voies piétonnes. Oui au Vieux-Port piéton ! Il fallait avoir ce courage. J’espère aussi que le commerce de proximité va repartir car je sais qu’il souffre depuis trois ans, entre covid et problèmes de stationnement. J’aimerais aussi que La Rochelle ne soit pas trop pleine de résidences secondaires vides les trois-quarts de l’année, qu’elle puisse accueillir confortablement les étudiants à des prix modérés. Dans ce sens j’ai vu que la part des logements sociaux augmente et c’est bien.

Pêle-mêle, j’aimerais que le moteur à explosion disparaisse de la ville ; que le bouclier de Brennus soit Rochelais en 2023 pour que Romain Sazy puisse partir à la retraite tranquillement ; que nous puissions tous, entrepreneurs et collectivités locales, trouver le bon montage juridique et financier pour doter La Rochelle d’une aréna sports et spectacles digne de notre belle ville, éco-conçue évidemment, pour le plaisir de tous !