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Sophia Lunra Schnack
Catégorie(s) : Ils ont séjourné ici
Autriche
Du 1 décembre au 31 décembre 2024
Discipline
Poésie & Littérature
Biographie
Sophia Lunra Schnack est une poétesse et écrivaine en allemand et en français. Son écriture met l’accent sur la musicalité, la matérialité et la sensualité des mots. Elle publie dans plusieurs magazines, est l’autrice d’un blog de poésie et de deux livres : un roman, feuchtes holz (bois humide) (2023), et un recueil de nouvelles, Worte wie Mandelblüte (2024).
Notre rencontre avec Sophia
Entre deux langues, entre deux marées
Au début de l’entretien, Sophia semble s’accommoder d’être vaguement flottante, peut-être un peu malade, comme entre deux eaux. Venue à La Maison des Écritures pour sa première résidence en solo, Sophia Lunra Schnack se consacre à la composition d’un recueil bilingue, wimpern piniengrün/cils vert de pins,et le flottement, l’oscillation, le bercement sont des états que la jeune poète autrichienne semble rechercher : allers et retours entre le français et l’allemand, jeu entre le sens et la sonorité, passage entre la Méditerranée et l’Atlantique.
Son séjour a commencé dans un tourbillon de rencontres et d’ateliers, loin de l’isolement souvent associé aux résidences : « Ces moments prennent du temps, mais ils m’aident à entendre les questionnements qu’inspire mon travail et me font progresser » confie-t-elle. Lors de ces échanges, elle se nourrit de l’énergie créative des élèves qu’elle rencontre : « Par la poésie, je les invite à se sentir libre dans la langue qu’ils apprennent, à inventer plutôt qu’à chercher à tout maîtriser. »
Cette liberté, Sophia la cultive depuis l’adolescence, lorsqu’elle trouve dans le français un refuge qui lui permet de tenir les adultes à distance. Elle approfondit son apprentissage à Mulhouse, puis à Bologne, façonnant une relation intime avec les langues romanes. Après un premier roman et un recueil de nouvelles « assez peu narratifs », elle se tourne vers la poésie, encouragée dès le début par l’écrivaine autrichienne Barbara Frischmuth, sa première lectrice, devenue depuis une amie précieuse.
Le projet auquel s’attelle Sophia à La Rochelle a pris racine sur les bords de la Méditerranée, dans la lumière mouvante de la côte bleue à Marseille. Là-bas, elle a commencé à écrire sur l’eau, les reflets et les jeux de miroir. Des motifs qui se retrouve dans sa manière d’écrire, indifféremment en français et en allemand, deux langues qu’elle entrelace pour créer un troisième espace linguistique. « Je ne veux surtout pas traduire littéralement. Si mon vocabulaire manque, je ne le cherche pas mais je vais explorer une autre formulation, une autre solution, un passage. » Elle fait de ses manques et approximations une richesse, un espace fertile où peut naître la poésie. « Le rythme et la sonorité sont pour moi plus importants que le sens. Il peut y avoir un rythme similaire entre deux versions d’un même poème, et une signification différente. » C’est là, dit-elle, que l’écriture bilingue rend tangible ce que la poésie fait dans tous les cas : transformer la langue, en révéler les failles et les fulgurances.
À La Rochelle, Sophia s’est laissée captiver par le mouvement de la mer. « J’ai passé toute la journée au bord de l’eau pour voir un cycle complet de marées. C’est une autre histoire de rythme, ça change tout le temps, c’est quelque chose que je ne vis pas du tout à Vienne. » Elle y puise une réflexion sur la transformation des textes par les lieux. « Ce que j’aime ici, face à l’Atlantique, c’est le sentiment que l’homme est complètement superflu, à la différence de la Méditerranée. Il n’y a rien si on regarde vers l’horizon. » Cet infini et cet isolement l’inspirent : « Je crois que j’adorerais écrire dans un phare » glisse-t-elle. On évoque avec elle l’histoire du Phare du Bout du Monde, construction romanesque qui a pris corps sur la pointe des Minimes, et parfaitement visible depuis les allées du Mail, à deux pas de sa résidence. Son regard s’illumine, « Voilà ce que j’aime dans l’écriture : on imagine quelque chose et ça se met à exister dans la réalité. On rend les choses réelles juste parce qu’on y pense. »
On abandonne Sophia à ses rêveries, peut-être en français, peut-être en allemand. Elle écrit là où le sens et la sonorité se rencontrent, dans un entre-deux où deux langues ne se superposent pas mais se prolongent l’une l’autre. Son écriture, à l’image des marées, ne cesse de se transformer, d’avancer et de se retirer, pour toujours revenir.
Philippe Guerry
Projet de résidence
Pendant sa résidence à La Rochelle, elle poursuivra l’écriture d’un cycle de poésie bilingue : wimpern piniengrün, cils vert de pins. Il se consacre à la perception sensuelle de la mer et ses environs. Les paysages dans leurs mouvements, odeurs, couleurs ou effleurements, font surgir des questions et préoccupations essentielles de la vie humaine, de ses mouvements, de son passé, son futur, de ses fuites, migrations et nouvelles arrivées – autant liées à des pays qu’à des langues.
Les dates à retenir
Journées de la traduction - 5 et 6 décembre 2024:
Rencontre avec le public scolaire pour une journée d'échange et de traduction.
Atelier d'écriture poétique- 12 décembre 2024:
Partez à la rencontre de l’artiste Sophia Lunra Schnack, dont le projet de résidence s’articule autour de l’écriture d’un recueil de poème bilingue. Elle vous propose ici un atelier d’écriture poétique tout public.
Partenariats
Une résidence prévue dans le cadre de la Bourse Rohan, résidence co-portée avec l’Institut Français d’Autriche à Vienne et le Centre Intermondes – Humanités Océanes à La Rochelle et l’Ambassade de France en Autriche.
Photo ©Timothé Favreau