Séphora Monteau
Catégorie(s) : Ils ont séjourné ici
Haïti
Du 15 septembre au 29 novembre 2023
Discipline
Film documentaire
Biographie
Séphora Monteau est une cinéaste et photographe basée en Haïti. Elle a été formée à la photographie numérique au Centre d’Art de Port-au-Prince et a suivi une formation en cinéma documentaire à la FEMIS à Paris. Productrice cinéma et Vice-présidente de l’association SineNouvèl, elle coordonne le Festival International du Film Nouvelles Vues Haïti et l’atelier Femmes et Cinéma. Elle est également membre de l’association féministe Nègès Mawon et de Ayiti Fotokonbit.
Notre rencontre avec Séphora
Traverser les tempêtes, cadrer la colère
Les arbres n’ont pas trop souffert de la tempête. Dans le parc, les racines ont tenu dans les sols gorgés d’eau. L’Atlantique crée décidément bien des tourments.
Nous sommes assis, dans le salon de l’étage, à la Villa Fort-Louis, avec Sephora Monteau. Ce qui traverse Sephora, là, tout de suite, ce ne sont pas les effets de la tempête. Dans l’immédiat, elle a plutôt en tête sa participation du lendemain aux Escales Documentaires, en tant que membre du jury, ainsi que pour présenter une programmation inédite de courts-métrages haïtiens. La cinéaste et productrice aimerait profiter du temps qui lui reste avant ces quelques jours d’effervescence pour avancer sur son premier long-métrage, qu’elle est venu finir d’écrire ici. Une amie cadreuse l’attend d’ailleurs dans la pièce voisine.
Ce qui traverse Sephora, sur le temps de sa résidence, ce ne sont pas non plus les racines et les sols gorgés d’eau du parc. Pas ces racines-là, et pas ce sol-là. Elle a bien en tête de raconter, dans son documentaire, une histoire de racines et de sol qui ne retiennent rien, mais ce sera l’histoire d’une famille haïtienne – la sienne – que l’Atlantique, dans un courant d’air, a dispersée à tous vents.
Ce qui traverse Sephora, c’est le travail d’écriture, de documentation et de prises de vue qui lui reste à faire pendant sa résidence, pour donner forme à cette histoire familiale qu’elle est venu recueillir, ici, en France, auprès de tantes qui ont fait le choix, il y a des années, de quitter Haïti, pour trouver, bien entendu, l’Eldorado. Et qui, non, ne l’ont pas trouvé. D’ailleurs, ce sera le titre du film de Sephora, soufflé par l’une d’entre elles : « Non, je n’ai pas trouvé l’Eldorado. »
Ce qui traverse Sephora, c’est la distance qu’elle doit trouver – une question d’éthique – avec les récits de ses tantes, qui ne sont pas les siens. Le récit de la première qui, en traversant, est passée d’une imprimerie à une autre, de celle de Port-au-Prince, qui était la sienne et qu’elle dirigeait, à celle de Paris, qui n’est pas la sienne et qu’elle balaie. Le récit presque murmuré de la seconde tante, arrivée en France il y a dix-sept ans, qui n’est jamais repartie, qui a vécu dans une distance et un effroi océaniques le deuil de deux enfants, et qui a le sentiment d’être passée à côté de sa vie.
Ce qui traverse Sephora, c’est la colère, parce que les questions que se sont posées ses tantes, à une génération de distance, sont aujourd’hui les siennes, et qu’elles se résument toujours dans ce dilemme d’une cruelle simplicité : faut-il partir ou rester ? Ce qui traverse Sephora, c’est la colère de voir partir chaque jour des milliers de jeunes gens comme elle, parce que tout est toujours difficile en Haïti. Une colère qu’elle transforme en action pour faire ses films, et faire vivre son île, avec le soutien et la solidarité d’autres artistes impliquées comme elle – des femmes surtout.
Ce qui traverse Sephora, là, tout de suite, c’est qu’elle ne doit pas rater l’heure de la visio avec sa fille restée en Haïti, pour superviser ses devoirs, parce que c’est important l’école, l’éducation, la culture, et qu’il y a des liens que la distance ne doit pas abolir.
Ce qui nous traverse, là, tout de suite, en entendant Sephora, paisible, déterminée, fière, jonglant d’un espace à l’autre, impatiente de retrouver sa cadreuse dans la pièce voisine et sa fille sur le continent d’à côté, c’est un impressionnant sentiment de force et de vertige. L’Atlantique crée décidément bien des tourments.
© Philippe Guerry
Projet de résidence
Non, je n’ai pas trouvé l’eldorado
« Je suis née et j’ai grandi en Haïti. Partir ? Rester ? Revenir ? Ce film est le récit intime de ma quête de jeune femme et de mère face à la question de l’exil et d’un ailleurs si souvent fantasmé. Ce cheminement convoque et entrelace les différents destins des femmes de ma famille. Celles qui sont parties en France reconstruire une vie, ou à qui l’exil a tout fait perdre, et celles qui sont restées comme ma mère. Il y a aussi celles qui rêvent de partir mais ne peuvent pas et celles et ceux qui ne sont plus parmi nous. Ce film est un jeu de miroirs de ces histoires d’exil sur trois générations à travers lequel je cherche ma réponse. »
Partenariats
Dans le cadre de la convention Cité internationale des Arts et la Ville de La Rochelle, Les Escales Documentaires
Les rendez-vous
Le 24 octobre 2023 à 18h30
Maison de l’étudiant, 3 Pass. Jacqueline de Romilly
Masterclass sur l’écriture documentaire avec Séphora Monteau, autour de son court-métrage Non, je n’ai pas trouvé mon Eldorado.
Le 11 novembre 2023 à 14h
Centre Intermondes, 11bis rue des Augustins
Carte blanche autour de la création haïtienne
© Julien Chauvet - ville de La Rochelle