Sabrina Auclair
Catégorie(s) : Ils ont séjourné ici
Canada
Du 4 septembre au 31 octobre 2024
Discipline
Théâtre
Biographie
Sabrina Auclair, fière artiste féministe et queer, est comédienne, autrice et metteure en scène basée à Montréal. Avec sa pièce Pluie acide (2022), Sabrina a remporté les prix de « L’artiste francophone la plus prometteuse » ainsi que celui du « Texte le plus prometteur » au prix Frankies remis par la Fringe. Elle a participé à un atelier-résidence d’écriture en Guadeloupe au printemps 2023 et y retourne cette année pour le Jamais Lu Caraïbes.
Notre rencontre avec Sabrina
Les mots de la fin
S’il restait 60 minutes avant la fin du monde, je serais bien embêté parce que je n’ai pas fini d’écrire le portrait de Sabrina Auclair. Il s’agirait de faire vite. De reprendre mes notes. Et pour reprendre mes notes, de trouver mon chargeur. Ou, à défaut, de me souvenir. De mémoire, Sabrina est montréalaise, autrice, comédienne, metteure en scène, et accueillie à La Rochelle pour terminer l’écriture d’une pièce dont le sujet est justement la fin du monde. Tout est dans tout, et le reste est sur l’enregistrement de mon portable.
De mémoire, ce qui intéresse Sabrina, ce n’est pas de raconter pourquoi la fin du monde arrive précisément maintenant, et précisément sur nous. Ça, c’est acquis. C’est le dernier grand acquis de notre époque. Le sujet de la pièce est plutôt d’explorer qui l’on devient vraiment quand le ciment de la moralité ne sert plus à grand-chose pour faire encore société. En sous-texte, Sabrina a cette envie d’aborder notre déni par rapport à notre propre mortalité et de comprendre pourquoi nous nous acharnons avec autant de zèle à saboter la planète. « Ce sera une pièce drôle » a-t-elle précisé.
De mémoire, l’idée de la pièce est venue à Sabrina pendant la pandémie, cette répétition générale d’une fin de quelque chose, durant laquelle nous avons tous promis de ne plus recommencer comme avant, avant de vite refaire, inconséquents, comme toujours. La pièce n’offre pas ce luxe : en mettant en scène une fin du monde définitive, Sabrina ne veut pas offrir à ses personnages l’occasion de pouvoir rater toutes les occasions.
De mémoire, l’autrice fait parler cinq personnages, incarnant chacun une forme de solitude contemporaine, et chacun avec quelque chose à accomplir urgemment avant l’échéance fatidique :
- celle qui ne veut plus refouler sa violence et aimerait bien tuer quelqu’un
- celle qui tempère son activisme militant et aimerait quand même bien ne pas finir seule
- celui qui trouve qu’on a que ce qu’on mérite et liste les raisons de se réjouir de cette fin prochaine
- celui qui vit seul avec son influence virtuelle et fait des vidéos pour alimenter ses réseaux
- celle qui s’adresse à Dieu, au cas où, pour résilier sa demande d’apostasie.
(il est aussi question d’un voisin, celui qui ne comprend pas qu’il peut arrêter de tondre sa pelouse.)
De mémoire, le personnage dont Sabrina se sent le plus proche est le troisième. Celui qui fait preuve de cynisme. Mais aussi celui qui écrit. Le travail d’écriture de Sabrina lors de cette résidence ne consiste cependant pas à établir des listes. Après un premier jet rédigé assez vite, elle achève ici de trouver un ordre pour ses scènes, un rythme pour ses dialogues, une place pour ses didascalies. Elle déconstruit, reconstruit, réagence, complète, comble les manques.
De mémoire, ce qui manque à Sabrina, sur ces deux mois de résidence, c’est son chien Kiki, avec lequel elle ne peut échanger à distance. Mais ça nourrit son expérience de solitude et son besoin de connexion (elle a dit ça.) D’ailleurs, puisque nous en sommes aux souvenirs animaliers, Sabrina a déclaré avec force conviction que, comme tous les Montréalais, elle détestait les écureuils, fléau des poubelles et des balcons. Ceci n’est pas juste une anecdote : cette incompréhensible aversion donne son titre à la pièce, Y’es-tu trop tard pour apprendre à aimer les écureuils.
De mémoire, Sabrina a dit qu’elle appréciait ici que les commerces ferment le dimanche, et que c’était un signe pour elle que l’on savait tirer profit autrement du temps. La preuve, j’ai fini d’écrire le portrait de Sabrina Auclair. Sur le temps qu’il me reste, je cherche mon chargeur. De mémoire, sur la photo de Kiki que Sabrina m’a montrée, il avait un chapeau pointu sur la tête, comme à la fête, comme pour une fin de partie.
Philippe Guerry
Projet de résidence
C’est grâce à cette résidence que le projet traité pendant sa résidence à la Rochelle, « Y’es-tu trop tard pour apprendre à aimer les écureuils » a vu le jour. Sabrina travaille également à l’écriture d’un tout premier recueil de poésie inspiré du roman On the Road de Jack Kerouac.
Dates à retenir
Mardi 29 octobre, 18h30: Ecrire la fin du monde ! Dans ce mini-stage, partez à la rencontre de la géniale Sabrina Auclair, artiste queer comédienne, autrice et metteure en scène canadienne en résidence à la Maison des Écritures de La Rochelle. Participez à cette rencontre autour des sujets d’écoanxiété, créez des personnages et écrivez leur rapport à la fin du monde, échangez, découvrez et apprenez dans un cadre bienveillant. Ce temps d’écriture pourra être suivi d’un moment de mise en voix des textes de Sabrina, ou bien même des vôtres ! N’hésitez-plus, et inscrivez-vous à ce mini-stage qui promet d’être aussi riche que passionnant !
Mercredi 30 octobre, 18h30: La fin du monde ! Sortie de résidence et lecture de la pièce de Sabrina Auclair intitulée « Y’es-tu trop tard pour apprendre à aimer les écureuils ».
Partenariats
Dans le cadre d’une résidence co-portée par le CEAD (centre des auteurs dramatiques) au Québec.
Photo ©Julie Artacho