Rolaphton Mercure
Catégorie(s) : Ils ont séjourné ici
Haïti
Du 17 mai au 30 juin 2024 | Du 1er au 31 août 2023
Discipline
Littérature, poésie, radio
Biographie
Acteur, réalisateur, comédien, auteur, slameur, poète, metteur en scène et dramaturge haïtien, Rolaphton MERCURE a étudié la sociologie, le cinéma et prépare actuellement un master en art, lettres, civilisations et création contemporaine à l’Université de Limoges. En résidence à la Maison des auteur.es de Limoges, il présente aux Zébrures de printemps (mars 2023) une lecture sous la direction de la metteuse en scène Piazzi Carine d'après le texte A Contre-Courant NosLarmes d’ E.Octavie.
Notre rencontre avec Rolaphton
Feu le temps passé, feu la terre brûlée
Rolaphton accuse une petite demi-heure de retard. Il a travaillé toute la nuit et s’est couché au petit matin. On ne saurait l’en blâmer. Un artiste vient en résidence pour s’extraire des contingences du jour : les rendez-vous, les interviews, les horaires, la lumière. On ne devrait pas l’y replonger. Une résidence, ce n’est pas juste disposer d’un lieu, c’est aussi et surtout disposer de son temps.
Le temps, dans la bouche de Rolaphton Mercure, semble une matière très plastique. Loquace, il résume à grands traits ses années de formation, sans sembler s’étonner de la vitesse à laquelle il a franchi les étapes. Les vingt premières années de sa vie en Haïti sont fécondes : il rappe à la radio à 6 ans, il écrit et vend ses poèmes à des amoureux peu inspirés durant ses années de lycée, il pose ses premiers slams à la bibliothèque Araka en entendant Grand Corps Malade et Abd Al Malik, il découvre à 17 ans que le théâtre est une chose sérieuse, il entre au séminaire pour devenir prêtre, avant de bifurquer vers la sociologie, il vient tout juste d’entrer dans la vingtaine. Puis, un 12 janvier, il y a le tremblement de terre.
« En 2010, j’arrête mes études pour le théâtre. La situation était chaotique après le séisme : à la fois, les gens avaient beaucoup à dire, et on manquait de bras partout. J’ai commencé à travailler avec la compagnie Haïti en scène, en tant que comédien et assistant. Rolaphton enchaîne alors les castings et multiplie les expériences de théâtre et de tournage, sans jamais lâcher l’écriture. « En 2012, je quitte la compagnie, en 2013, j’effectue une première résidence de création en France, en 2014, je commence des études de cinéma. »
Rolaphton, rappeur-poète-slameur-comédien, sûr de ces mots et de son tempo, maîtrise ses effets. Au détour de cet itinéraire d’un jeune homme pressé, il glisse quelques scènes édifiantes de la violence ordinaire en Haïti. Le kidnapping de techniciens sur un film, puis celui de sa petite amie. Une fusillade de la police sur le tournage d’un clip, qui tourne au carnage et dont il réchappe miraculeusement. Et les rançonnements quotidiens, et les humiliations, qui touchent jusqu’à ses proches.
« La violence nourrit mes démons, j’en suis constamment hanté. Je porte avec moi une colère qui se ressent dans ma création. Quand tu as vécue cette violence dans ta chair, tu ne peux faire celui qui ne sait pas, tu ne peux pas la garder pour toi. Quand je commence à écrire, là je deviens violent. » Menacé en tant qu’artiste, Rolaphton vit en France depuis 2022, d’où il continue dans ses œuvres à dénoncer les mécanismes d’oppression, physiques et sociaux, qui traversent son île. « La situation est de pire en pire. Ce pays est devenu une "gangocratie". Tout le monde cherche à partir. Je pense que les trois-quarts des artistes haïtiens ne vivent plus en Haïti. »
Depuis, loin des siens, Rolaphton essaie de ralentir le temps, il sait qu’il a suffisamment de projets pour tenir sur la durée. Il veut se confronter à d’autres arts : la bande dessinée, la peinture peut-être. À la Maison des Écritures, il a montré une expo photo, Makandal Braise, montée avec son ami photojournaliste, Jeanty Junior Augustin, sur le thème du feu, omniprésent dans l’actualité haïtienne. Il a aussi avancé sur l’écriture d’un prochain court-métrage poétique. « C’est actuellement ce qui vole mes nuits. »
On parle de choses et d’autres dans le hall, on prend tout notre temps avant de se quitter. Rolaphton ne semble pas pressé de basculer dans le chaos du jour.
© texte de Philippe Guerry
Projet de résidence
Pendant sa résidence, Rolaphton travaillera sur l’écriture d'un court-métrage sur l'un de ses poèmes-fleuve. Ce travail s’articule autour des questions de migration. Pour compléter ses recherches, Rolaphton Mercure fera appel aux conseils et à l’accompagnement d’une cinéaste haïtienne.
Partenariats
La Cité Internationale des Arts
© Julien Chauvet - ville de La Rochelle