Alice Tixidre

Catégorie(s) : Ils ont séjourné ici

Canada

Du 16 août au 29 août 2024

Discipline

Théâtre

Biographie

ALice Tixidre est diplomée du programme d'écriture dramatique de l'École nationale de théâtre et d'études théâtrales à l'Université du Québec à Montréal. Elle a écrit Tout ce que je te dirais (preuve de vie) (présenté au FJL), La migration des papillons (mention du jury du prix Gratien Gélinas), Eva et Porée (lauréat EAT, présentéau FJL et à Text'Mino) et Déguerpir (Les Béloufilles). 

 

Notre rencontre avec Alice

Terre Scène

 

Nous discutions sur la terrasse ensoleillée de la Villa Fort-Louis, en surplomb du parc, face à la mer, quand la terre s’est mise à bouger. Pas à trembler : à bouger. Des mouvements de surface invisibles, devenus soudainement perceptibles, par la force tranquille, assurée, joyeuse et déconcertante des mots d’Alice Tixidre : « L’an dernier, lors d’une première résidence, je suis allée à la rencontre d’un maraîcher bio de La Rochelle, « La Super ferme », qui m’a fait réaliser que la terre, le sol, ce truc sur lequel nous vivons, marchons, dormons… c’est perpétuellement en vie. D’un point de vue littéraire, j’ai trouvé ça absolument fascinant. »

 

Alors Alice est revenue à La Rochelle, de Montréal où elle vit, pour une nouvelle résidence, durant laquelle elle creuse, presque littéralement donc, pour donner forme à sa prochaine pièce de théâtre, intitulée Cratères, inspirée d’une histoire familiale qui voit se télescoper réalité et fiction.

 

La réalité, c’est la tante et l’oncle français d’Alice, qui découvrent que le terrain dans les Cévennes sur lequel ils ont construit leur maison et fait pousser des légumes qu’ils voulaient bio, est lourdement pollué à l’arsenic, au cyanure, au plomb, au cadmium, que c’est évidemment nocif pour leur santé, et que cet état de fait était largement connu localement… sans que jamais personne n’ait jugé bon de les en avertir. Une découverte qui a ouvert une bataille juridique, où chacun, industriels, élus, experts, citoyens, est venu avec ses mots, son lot de paroles, sa part de vérité. De la matière brute pour la jeune autrice.

 

La fiction, c’est aujourd’hui ce qu’essaie d’amener Alice pour raconter cette histoire aux résonances tragiques, et pour ne pas en désespérer. « Je n’ai pas envie d’aller vers le théâtre documentaire, avec ce que cela implique de démonstration et de preuves. J’ai besoin de me délester d’un certain ‘devoir impératif de vérité’ pour explorer une forme d’écriture poétisée. Pour moi, ne pas adopter les termes de la logique capitaliste, c’est aussi une façon de redonner une forme de pouvoir aux citoyens. On a quand même de gros problèmes dans cette société, et je crois qu’on a avant tout besoin d’espoir et d’enthousiasme. »

 

Pour l’heure, ces personnages, ces mots, ces dialogues, ces intentions prennent la forme très concrète de petits papiers colorés autocollants qui tapissent un angle de murs dans le bureau qu’occupe Alice le temps de sa résidence. On a la chance d’observer du théâtre en train de se faire. « La pièce est déjà écrite, dans son intégralité. Mais ici, je la retravaille : je m’occupe des différents mouvements, de l’agencement des scènes, je note des idées de dialogue… ça bouge encore pas mal. » Elle confie toutefois avoir bon espoir de finir son texte avant la fin de cette année.

 

Diplômée du programme d’écriture dramatique de l’École nationale de théâtre du Canada, Alice est déjà autrice de plusieurs pièces « de souffle court, et de souffle long » comme elle les appelle. Si la mise en scène de Cratères lui paraît encore lointaine, elle ne s’interdit pas de s’y atteler elle-même et a déjà quelques idées de scénographie. « Quand je me représente ce texte mis en scène, je ne peux pas m’empêcher de voir de la terre. Partout. Ma tante, qui n’est absolument pas quelqu’un d’exubérant, avait creusé des tombes sur son terrain, visibles de la route, sans intention de s’y jeter bien sûr, mais bien pour rendre son combat plus théâtral. Cette incursion du théâtre dans le réel, quand la tragédie côtoie souvent l’absurde, c’est ce que je trouve intéressant de montrer. »

 

Par la force tranquille, assurée, joyeuse et déconcertante des mots d’Alice Tixidre, la terre n’en finit plus de bouger. On quitte le parc sur la pointe des pieds, on a comme l’impression de vaciller légèrement. Légèrement inquiet.

 

 

Philippe Guerry

Projet de résidence

Lors de son passage à la maison des écritures, Alice travaille sur sa prochaine pièce, Cratères, Cratères est une pièce de théâtre sur la pollution des sols à travers l'histoire d'une famille néo-rurale. 

Dates à retenir

30 août, 18h30: Alice signe sa fin de résidence à La Rochelle par une introduction à sa nouvelle pièce, Cratères, aux Cabanes Urbaines.

Partenariats

Pour son projet, Alice Tixidre est soutenue par le Conseil des arts et des Lettres du Québec, le Centre des auteurs dramatiques, en collaboration avec Intermondes et La Maison des Écritures de La Rochelle ; La Métive, lieu de résidences internationales, et La Gare Mondiale à Bergerac. 

Photo ©Julien Chauvet