Olivia Grandville

Venue de l’Opéra de Paris, sortie du corps contraint de la danse classique, Olivia Grandville est entrée à 23 ans dans le corps libre - et l’esprit de même en ce corps là - de la danse contemporaine. Elle s’y est épanouie avec les œuvres de Maguy Marin, Merce Cunningham, Bob Wilson...

Publication : janvier 2022 / Texte : Elian Da Silva Monteiro / Photo : © Julien Chauvet

Elle danse pour le chorégraphe Dominique Bagouet, puis élabore son propre langage dans des projets nombreux et protéiformes. Artiste associée au LU, chorégraphe, enseignante, programmatrice, « danseuse à vie », Olivia Grandville vient d’être nommée à la direction du CCN, maison de toutes les danses, à La Rochelle... Où se loge une part de son histoire.

« Quand Dominique Bagouet est mort, on nous a proposé La Coursive pour filmer les chorégraphies So Schnell et Necesito. C’était la première fois que se posait la question de transmission d’une oeuvre de danse contemporaine. Je n’avais pas prémédité de candidater pour le CCN, mais j’ai trouvé une certaine continuité. La Rochelle, c’est aussi Le Théâtre du Silence, puis Chopinot, figure de liberté, et une ville magnifique dotée d’un des plus beau CCN de France, avec Montpellier, un lieu patrimonial rare, en plein centre, avec cette couleur de pierre claire spécifique à la ville. En résonance avec mon projet, cela a du sens de garder tout son potentiel à ce lieu plutôt que de l’assigner à une frontalité et donc à un dispositif de théâtre traditionnel. On va donc ouvrir les fenêtres, restituer à la chapelle sa clarté, en faire un espace de création. »

Et lancer votre projet “Mille plateaux“ ?

Oui, déplacer les objets artistiques vers les quartiers, investir le paysage, occuper les territoires que l’on habite, l’espace maritime ; créer un pôle de production numérique pour la chorégraphie. Les artistes ont appris pendant la crise sanitaire qu’ils devaient s’emparer de ces moyens-là. Proposer aussi une multiplicité de techniques. Ce n’est pas parce que le CCN a été hip-hop pendant treize ans qu’il n’aura plus sa place. Mais il y a aussi quantité d’autres pratiques de corps. Quelque chose de passionnant  se passe en ce moment, notamment une remise en question des clivages entre les danses dites savantes ou populaires. Voilà vingt ans que je lutte contre l’hégémonie du classique. Je veux défendre ça en ouvrant le CCN aux habitants, aux associations, aux clubs de judo, de claquettes, de tango pour des échanges de pratiques. Que les gens se réapproprient leur corps, notre bien à tous ! La danse est une pratique de soi qui permet de réinventer le rapport à l’autre, à l’espace commun. Je milite pour que chacun se reconnaisse l’amateur de l’autre.

Dans l’expression du corps contemporain, quel est votre geste à vous ?

De l’âge de 9 ans jusqu’à 23 ans j’ai poursuivi l’idée d’une virtuosité absolue dictée par un modèle, issu d’une histoire qui remonte à Louis XIV et qui s’inscrit dans un programme politique, celui de la monarchie. Ce n’est pas le mien. Moi j’ai envie de toutes les virtuosités et que tous les corps puissent cohabiter et s’autorisent à danser. Ma spécificité ressemble à tout ce qu’on m’a reproché, à savoir « Où est-elle, Olivia Grandville ? Que fait-elle exactement comme travail ? ». Je pense que je suis à un endroit où chaque pièce me permet d’avancer en me posant une nouvelle question à laquelle je n’ai pas de réponse. J’essaye seulement de partager avec le spectateur un regard poétique sur le monde mais cette poésie est aussi politique.

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Une musicalité du geste c’est ce qui signe votre travail ?

Je dirais « phrasé du geste », il y a la musicalité, il y a aussi le sens. Le burlesque, l’humour, c’est du phrasé. Quand la danse est drôle et que j’arrive à faire rire les gens, je suis ravie. Je ne supporte pas la danse qui a l’air de déployer un drame dont on ne connaît absolument pas l’origine.

Revenons à La Chapelle Fromentin, elle ne sera plus tout à fait au format d’une salle de spectacle ?

Ce n’est pas une salle de spectacle, elle n’en a pas le label ni les contraintes qui vont avec. En tant que CCN nous sommes une instance de développement de la culture chorégraphique, pas un lieu de diffusion. Nous n’en avons d’ailleurs pas les moyens. Cela ne veut pas dire que le lieu sera fermé aux publics, bien au contraire. Mais j’ai posé le fait que ce CCN serait celui de la transition écologique, pourquoi installer des projecteurs à grands frais dans un lieu qui bénéficie d’une lumière naturelle si splendide ? Quand j’ai lu l’appel à projet je me suis dit qu’il y avait un dialogue possible avec les politiques, la nécessité de réinventer d’autres espaces de représentation, de repenser notre rapport à la mobilité, d’être conscients ensemble de ce que nous produisons et comment nous le produisons. Ce sont ces questions qui guideront tout le projet.

Repères

  • 1er décembre 1964 : naissance à paris dans une famille de comédiens
  • 1981 : après une formation classique à l’école de l’opéra de paris, intègre le corps de ballet
  • 1988 : démissionne pour se consacrer à la danse contemporaine
  • 1989 : rejoint la cie dominique bagouet et joue toutes les pièces jusqu’au décès du chorégraphe
  • 1992 : est à l’origine des carnets bagouet pour la diffusion de son œuvre
  • Depuis 1993 : multiplie expériences théâtrales et créations chorégraphiques, notamment comment taire, my space, une semaine d’art en avignon, le cabaret discrépant (autour du lettrisme), le grand jeu (sur le Cinéma de cassavetes), foules, à l’ouest, et en 2021 la guerre des pauvres d’après le roman d’éric vuillard.

Dernière mise à jour : 17 janvier 2022

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